À l’oc­ca­sion de son Assemblée Générale 2019, le CAUE27 a publié “L’Eure, ter­ri­toire en tran­si­tion”, un recueil de témoi­gnages pros­pec­tifs qui ima­gine le dépar­te­ment en 2027 avec celles et ceux qui par­ti­cipent à sa trans­for­ma­tion. Découvrez ci-des­sous un extrait reve­nant sur la créa­tion d’une fabrique d’hydro-électricité.

Roger d’Orglandes, propriétaire d’un barrage hydroélectrique à Heudreville-sur-Eure

Propriétaire d’un bar­rage sur l’Eure, c’est en 2008, après une visite à Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne, où je découvre un sys­tème de vis d’Archimède, que je me décide à mener à bien un pro­jet que je nour­ris depuis quelque temps déjà : pro­duire de l’éner­gie à par­tir de mon bar­rage. Celui-ci a la par­ti­cu­la­rité de se trou­ver à une petite cen­taine de mètres d’un manoir du 16ème siècle pro­tégé au titre des monu­ments historiques.

Un échange avec le construc­teur de la vis sans fin alle­mande m’ap­prend que celle-ci est ich­tyo com­pa­tible, c’est-à-dire que les pois­sons peuvent pas­ser dans les vis, sans mal. Cette solu­tion semble adap­tée pour rem­pla­cer les anciennes tur­bines du bar­rage qui broient les pois­sons et nuisent à la conti­nuité éco­lo­gique de l’Eure.

Je lance mon pro­jet de bar­rage hydro­élec­trique en octobre 2008 et me heurte aux aléas admi­nis­tra­tifs. Les dif­fé­rents ser­vices concer­nés par le pro­jet de bar­rage (ONEMA, DDTM, DRAC) donnent tous un avis posi­tif, mais la Préfecture demande une étude d’im­pact. Les dif­fé­rentes études menées ont mon­tré des dif­fé­rences de niveau d’eau dues au bar­rage qui ont blo­qué le dos­sier durant cinq ans. C’est lors d’un chan­ge­ment de direc­tion de ser­vice que le dos­sier s’est réen­clan­ché et a pu être mené à bien. L’ABF m’a aiguillé sur la concep­tion d’un bâti­ment pour la pro­duc­tion hydro­élec­trique qui ne soit “ni une tur­bine, ni un bâti­ment tech­nique, mais une fabrique”, au sens des pavillons de jar­din du 18ème siècle. La proxi­mité du manoir a mené à la réa­li­sa­tion d’un bâti­ment tech­nique exem­plaire inté­gré dans le site protégé.

Le pro­jet a vu le jour et pro­dui­sait en 2019 200kW en période opti­male, sans blo­quer ni les pois­sons, ni les kaya­kistes (tou­risme oblige).

En 2027, pour mener à bien un pro­jet, il faut tirer les leçons de cette expé­rience, et savoir s’en­tou­rer de por­teurs de pro­jets enthou­siastes, pas­sion­nés et un peu uto­pistes : c’est le jockey qui compte, n’in­ves­tis­sez pas sur le che­val, inves­tis­sez sur le jockey. Et il faut un accom­pa­gna­teur de pro­jet plus réa­liste, avec les pieds sur terre, capable de trans­for­mer l’u­to­pie en réa­lité chif­frée et réalisable.

Et, pour l’a­près 2027, l’éner­gie la plus logique, ce serait l’hy­dro­gène, qui était instable dans les années 2010 et hor­ri­ble­ment cher à pro­duire, mais qui peut main­te­nant se pro­duire faci­le­ment à par­tir du méthane et de l’élec­tro­lyse de l’eau. Les bar­rages et les agri­cul­teurs pour­ront être mis à contri­bu­tion pour pro­duire cette éner­gie et contri­buer à déve­lop­per une éco­no­mie locale.

Téléchargez l’in­té­gra­lité du recueil “L’Eure, ter­ri­toire en transition”