À l’occasion de son Assemblée Générale 2019, le CAUE27 a publié « L’Eure, territoire en transition« , un recueil de témoignages prospectifs qui imagine le département en 2027 avec celles et ceux qui participent à sa transformation. Découvrez ci-dessous un extrait témoignant de la vie dans la vallée de la Lévrière, une nouvelle « vallée habitée ».

Nathalie Brouant – agricultrice et conseillère municipale de Bézu-la-Forêt

Ce matin, en quittant la vallée de la Lévrière j’’ai pu travailler dans la voiture qui m’emmenait à Évreux. Jusque fin 2019, notre vallée était en zone blanche, mais ce matin, j’ai pu téléphoner à Francine, du petit café-commerce que nous avons mis en place, pour finaliser nos dernières commandes de bœuf à l’herbe (labélisé). Nous sommes plusieurs agriculteurs à lui fournir des produits locaux. Elle prépare des paniers « week-end de printemps » qui retrouvent de la couleur grâce au cresson qui a été réimplanté en amont du moulin de Martagny. La Lévrière était dans les années 1950 un fournisseur important de cresson pour Paris et nous en avons réimplanté grâce à deux jeunes maraichers récemment installés, Nicolas et Joseph. Le moulin de Martagny est également une petite centrale hydroélectrique. Il faut une réserve d’eau avant ce moulin pour qu’il puisse tourner toute l’année et fournir de l’électricité aux habitants de notre vallée, ce qui permet d’y cultiver le cresson.

C’est quand même bien cette idée que nous avons eu de créer l’AVL, l’Avenir de la Vallée de la Lévrière. Ensemble, nous avons pu redonner de la vie à nos villages. Sortir de la zone blanche a changé nos vies : nous avons vu l’ouverture de classes interactives et nous avons un centre de télémédecine adapté aux aînés. Les personnes âgées ont pu rester habiter dans nos villages grâce à une idée formidable de béguinage-interaction : les anciens habitent le rez-de-chaussée, nos jeunes couples habitent à l’étage et il y a toute une synergie entre ces différentes tranches d’âges. Cela a aussi permis de réhabiliter notre patrimoine bâti local fait de briques et de colombages.

Notre territoire s’est dynamisé par la création d’espaces de télétravail qui permettent aux habitants travaillant en région parisienne de souffler dans leur parcours hebdomadaire en travaillant depuis la vallée.

Je pourrais également vous parler de notre festival de la Lévrière qui a lieu chaque deuxième week-end du mois de juin où, pour l’occasion, nous coupons la départementale 14 à la circulation, de Mainneville à Mesnil-sous-Vienne, pour la rendre aux habitants, animée de multiples activités. Nos églises aussi, qui étaient pour certaines inutilisées, ont été transformées : l’une sert de salle d’exposition et de concert, une autre a été transformée en salle de sport… Cette dynamique de réappropriation vient de la population, grâce au collectif du projet Vallées habitées qui est venu sur le terrain à la fin des années 2010. Nous avons pu rassembler les habitants de la vallée, chacun y a mis son petit grain de sel et voilà où nous en sommes arrivés en 2027.

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