Le 16 octobre 2020, le CAUE27 contribuait aux Journées nationales de l’architecture organisées chaque année par le ministère de la Culture, en proposant aux élèves du département de l’Eure plusieurs visites pédagogiques sur le thème de la reconstruction.

Gisors, cité médiévale reconstruite

Alexis TANNIR, architecte

Alexis a préparé son intervention en produisant un jeu de photographies avant/ après qu’il a distribué à ses groupes à l’avancement du parcours qu’il a conçu dans la ville reconstruite de Gisors. Chacune des stations dans la balade a été l’occasion d’une analyse du type « jeu des sept erreurs » : identifier le lieu photographié et relever les éléments de changement par comparaison entre les clichés anciens et récents. Ce travail d’enquête confié aux groupes a eu une résonnance pédagogique efficace puisque qu’Alexis a pu à la fois faire identifier la matière des transformations (nouveaux matériaux, nouvelles formes, nouvelles devantures commerciales) compléter la découverte des indices en les nommant par le vocabulaire architectural adéquat, montrer les enrichissements (la salubrité, la clarté, l’aisance des circulations) que les transformations ont apportées et aussi les ruptures (désarticulations, discontinuités, élargissements), la perte du pittoresque.

Peu de discours sur l’architecture reconstruite, qui est à Gisors d’un ton banal et pastiche mais plutôt son identification dans le corpus bâti. Et une énigme irrésolue : l’hôtel de ville qui est le seul bâtiment reconstruit avec une architecture en rupture (silhouette horizontale, toiture plate, hautes baies vitrées) « s’agrémente » d’un encolonnement néo-classique. L’architecture doit-elle se fabriquer d’artifices ?

Evreux, ville reconstruite au bord de l’eau

Julia SIBERT, ingénieure paysagiste

Julia organise une visite du centre ville d’Evreux reconstruit avec comme fil conducteur la rivière Iton, dans son parcours entre place de l’hôtel de ville et la cathédrale. La balade le long des quais de l’Iton, créés et aménagés en promenade au moment de la Reconstruction, est l’occasion de donner à comprendre que la ville se constitue à partir des données de la géographie physique (l’eau, la vallée), que la rivière a été aménagée originellement en douves pour compléter un rempart (gallo-romain, encore visible), qu’elle a été utilisée en fossé d’assainissement (dans la ville ancienne) avant de faire l’objet, sous la conduite de l’architecte de la reconstruction Albert de Brettes, d’un embellissement (élargissement des rives, creusement d’un « miroir d’eau, aménagement des quais, d’une placette) pour constituer un lieu public d’agrément : un square-promenade qui fait découvrir les revers du centre ville.

Le parcours donne à voir la variété des architectures de la Reconstruction (des styles nombreux et caractéristiques : pastiche, Art-Déco, moderniste) qui tentent de reconstituer le pittoresque de la ville ancienne. Dans des formes et des matériaux nouveaux.

La balade se termine au musée, proche de la cathédrale, avec un regard sur des tableaux anciens dans lesquels la rivière est représentée et l’installation artistique « Château d’Eaux » qui transfigure les motifs de tessons de poteries découverts dans le lit de l’Iton.

Pont-Audemer, entre balade urbaine et Théâtre

Christelle BERGER, architecte

Christelle a préparé une copie du plan cadastral du centre ville de Pont-Audemer qui a majoritairement conservé son bâti ancien très dense, parcouru de fins canaux et de venelles presque invisibles. L’espace reconstruit est épars et se pose en « couture » réparatrices dans le tissu bâti. Le plan ne permet pas de le distinguer de prime abord. La « carte » est justement le sujet d’un travail pédagogique en cours. La visite de la ville s’est transformée en une course d’orientation qui a entrainé ses participants dans un jeu d’identification et de corrélation entre carte et forme. Et donc dans un questionnement sur la forme du bâti, ses articulations sur les vides des cours et jardins invisibles, rues places et venelles, sur le parcours de l’eau dans ce petit périmètre. Les vues en cartes postales de la ville reconstruite que Christelle avait apportées ont pour certaines fasciné les groupes d’élèves, notamment celles qui mettaient en scène les aménagements urbains de l’époque à destination de l’automobile : le parking en pelote d’épingles de la place Victor Hugo a eu ainsi un grand succès.

Le clou de la journée fut la visite du théâtre de l’Eclat en présence de son directeur. L’équipement a pu être intégralement visité par les élèves, ses espaces décrits et leur fonctionnement commenté. Le travail sur la conception de l’espace par les architectes et les scénographes prenait sens. D’autant que ce théâtre a fait l’objet d’une métamorphose et d’une ré-architecture en passant du bâtiment originel de l’architecte Maurice Novarina (en 2 reconstruction tardive entre 1958 et 1965) déjà novateur, à son refaçonnage extérieur et intérieur en 1998 par les architectes Dominique Jakob (née en 66) et Brendan Mc Farlane (né en 61).

Louviers, ville reconstruite en mutation

Paul HILAIRE, architecte

Paul a préparé un plan de la ville reconstruite, le même plan avec les îlots reconstruits effacés, un plan de la ville reconstruite (en rouge) dans le tissu urbain actuel. L’effet d’échelle de ce dernier est saisissant et exprime la fragilité de la centralité. Paul organise la visite de la ville comme une coupe en travers sur les espaces bâtis du centre ville. Le départ au pied de l’église Notre Dame, à la proue de la ville ancienne préservée, permet de mettre en covisibilité les éléments de la ville ancienne et ceux de la ville reconstruite.

Chacun comprend que le bâti de la Reconstruction est dans une première séquence une forme neuve mais qui tente de mimer certains aspects de la ville ancienne : irrégularité simulée des tracés des voies, disparité ordonnée des façades, réplique d’escalier de franchissement du relief. Les éléments d’architecture sont identifiés par les groupes comme mis en place comme des décors (on les reverra dans le reste de la ville) qui « font vieux » disent les enfants: des pignons triangulaires, des façades de pierre, des éléments de sculpture à la symbolique oubliée. Et moins colorés et pittoresques, moins nobles que les restes de la ville ancienne. Une autre architecture se rencontrera sous des formes plus sèches et répétitives et aussi plus spectaculaires et intrigantes : un cordon de boutiques se détache de pieds de hauts immeubles disposés en épis, un grand îlot se traverse comme un terrain vague ; un autre immeuble, entièrement revêtu de briques rouges et dont tous les angles sont courbes s’ouvre sur une cour qui est comme un moule cimenté en négatif d’un château de conte de fées aux tours de briques de verre.

Tout le monde s’enchante d’avoir parcouru un endroit si étrange finalement, et plein de surprises, et lève les bras pour mimer porter, comme le font les prouesses du béton, le long porte à faux d’un immeuble en forme de boomerang. Le plan représenté vidé de l’espace reconstruit suscitera l’exercice que les groupes mèneront au musée pour imaginer eux aussi un nouveau centre-ville.

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